Cap...Journal d'un Musulman Allemand (7)
Certaines de mes compatriotes qui prospectent du pétrole dans le désert rocailleux algérien sont au bord du désespoir et quelques-uns menacent même d'évacuer le camp. Ceci n'est pas étonnant. La fin de la guerre approche. Après le départ des Français, il pourrait y avoir un massacre.
Le Consul Général d'Allemagne, Siegfried von Nostitz, me donna alors pour instruction de leur remonter le moral à l'aide de deux caisses de Whisky. Alcool pour la prospérité de la nation? Du pétrole pour la patrie!
Accompagné du directeur de la Compagnie allemande du pétrole; je fus pris dans une forte tempête en traversant les monts de l'Atlas à bord d'un avion branlant de type DC3 datant de la deuxième guerre mondiale.
Les caisses de whisky sont déposées à même le plancher de l'avion à côté de mon siège. Mais, contrairement à moi, elles ne sont part attachées par une ceinture de sécurité. J'essaie en vain de les maintenir à leur place. Mais à chaque fois que notre avion plonge vers le bas, les caisses se soulèvent jusqu'au niveau de mon épaule, flottent pendant quelques instants comme en apesanteur et puis s'écrasent lorsque l'avion se redresse. Je ne savais que trop bien que sans le whisky ma mission était gâchée. Pas d'alcool, pas de moral.
Déjà tout l'avion exhale une forte odeur de whisky. La situation est si absurde que, pour une fois, je ne ressens pas le mal de l'air.
Au camp de travail nous sommes accueillis avec quelque réticence et une certaine excitation. Cependant, il restait suffisamment de bouteilles intactes pour faire la tournée comme dans les films western. Je réconfortais mes compatriotes en leur rappelant que nous, à Alger, nous sommes exposés à la guérilla urbaine, la plus dangereuse. Je leur promis de les faire évacuer d'ici au cas où la situation le nécessiterait.
Alors que je disais cela, sans en être vraiment convaincu, je ne pouvais m'empêcher d'anticiper le triste sort des Algériens de l'armée française - les harkis, qui gardaient le chantier. Ils étaient calmes, sobres et pensifs.
Les travailleurs Allemands, eux, ont besoin de se remonter le moral avec de l'alcool. De l'alcool pour la patrie!
Le lundi prochain : VIII- La solution
Alger, 28 mai 1962
Voir aussi :
Cap...Journal d'un Musulman Allemand (6)
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