Cap... Journal d'un Musulman Allemand (49)
Pendant la rencontre annuelle de printemps des Musulmans germanophones dans la Mosquée Billa d'Aachen, un participant a mis en doute la compatibilité de ma position en tant que Directeur de l'Information auprès de l'OTAN avec mes convictions islamiques. Je ne vois, cependant, aucune difficulté à concilier les deux rôles.
Pour préserver la chance de l'Occident d'adhérer à l'Islam, il doit surtout être à l'abri de toute tentative Soviétique imaginable d'expansion ou l'intimidation. Ce danger extérieur- danger sui se pose aussi au monde islamiques- est neutralisé par l'Alliance Atlantique par des moyens politiques et militaires.
J'admets, d'ailleurs, que l'Union Soviétique, en tant qu'ancien centre du monde communiste, pose à l'Islam un problème idéologique moins grave que l'agnosticisme, le matérialisme et la technologie déchainée de l'Occident. L'athéisme "scientifique" occidental avance presque inaperçu, à petits pas de chat (pour reprendre Robert Frost). Tandis que l'athéisme " scientifique" Soviétique s'est vu imposé de force, par des divisions blindées de l'armée Rouge, comme dernièrement en Afghanistan.
Néanmoins, il demeure vrai que tout revivification spirituelle en Europe, y compris la possibilité d'opter pour l'Islam, présuppose une sécurité extérieure contre n''importe quelle tentative d'intervention par la seule superpuissance nucléaire du continent, l'Union Soviétique. Ainsi, les intérêts politiques de l'OTAN et des nations islamiques sont liés.
On attend aussi de moi que j'explique mon propre "chemin de la Mecque". Comme tout ce qu'on peut dire longuement, on peut le dire aussi brièvement, voici que ce j'ai dit :
"En lisant le Coran pour la première fois, j'ai été impressionné, frappé même, par une phrase du verset de la 6ème Sourate :" Personne ne portera le fardeau d'un autre". Je compris faussement ceci comme une règle morale ( peu chrétienne) plutôt que de la voir correctement comme une vérité théologique : que l'homme et la femme rencontrent leur Créateur directement, sans aucune possibilité d'intercession. "Qui est celui qui peut intercéder auprès de Lui, sans Sa permission?".
Voici la précision énoncée dans le verset du trône (2:225).
« Ne pas porter le fardeau d’un autre » a une seconde implication aussi fondamentale : le rejet du pêché originel. Si l’on ne se base pas sur la présomption que nous avons un grand besoin de « rédemption « ou de « salut », on ne cherchera pas de « sauveur « - et probablement on ne le trouvera pas. Ainsi, ce court message Coranique jette beaucoup de lumière sur un mécanisme qui a contribué au déraillement du christianisme. Ayant compris ceci, je voyais désormais que l’Islam était pas un recul, mais qu’il avait avancé l’humanité au-delà du niveau auquel elle était parvenue après Jésus. Pour user de la terminologie hégélienne et marxiste ; l’islam avait remis la chrétienté sur ses pieds, après qu’elle fut dressée sur sa tête.
Quand ils déclarent que nous ne pouvons rien savoir avec certitude de ce qui dépasse notre perception sensorielle, les agnostiques, généralement, continuent d’affirmer qu’il n’y a « probablement » pas de réalité au-delà
Ce n’est pas là une position intelligente et neutre mais une prise de position sans justification intellectuelle. Il serait plus honnête de soutenir que, en se basant seulement sur le savoir intellectuel humain, nous ne pouvions même pas établir de probabilité relative à l’invisible.
Ayant défendu cette dernière position durant un temps, j’ai intuitivement jugé , un jour , que les limites de ce que nous pouvons savoir ne sont pas les limites de toute la réalité. Voilà une décision de croire avec certitude quoique ce soit que je préfère, depuis ce moment là, une position d’humble dignité à une autre d’un orgueil intellectuel stupide la position assumée par des agnostiques qui se croient audacieux et auto-suffisants mais vivent souvent dans un auto-isolement rigide et glacial. Je me suis donc consciemment soumis, y compris mon intelligence, à une réalité plus vaste dont je me sentais être une part minime. Je me suis soumis ç ce qui le plus grand parmi ce qui est plus grand que l’homme : Dieu. Allahu akbar kabiran – Dieu est plus grand que nous puissions imaginer.
Ceci dit, je ne voudrais mener personne sur la pente glissante d’une définition anthropomorphique de Dieu. C’est une chose d’énumérer les « 99 plus beaux noms « (attribut) de Dieu. C’en est une autre de nourrir l’illusion que ces attributs allégoriques, formulés en langage humain, synthétisent et définissent sa nature et son être.
Pour autant que nous sommes esclaves de notre propre vocabulaire, nous ne pouvons même avec l’aide de la révélation, saisir qu’une lueur de l’incompréhensible réalité de Dieu ».
Si j’avais dit plus, j’aurais dit moins.
La semaine prochaine : Percée de l'Islam
Bonn, le 4 juin 1983
Voir aussi :
Cap... Journal
d'un Musulman Allemand (48)
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